Suivez le Guide : Un paradis méditerranéen renaît sur des ruines

L’histoire incroyable d’un couple qui décide de reconstruire un hameau en ruine au pied du pic Saint-Loup


Valérie Carreno & Frédéric Sautai 16 septembre 2019
Photographes. Forts de notre expérience dans le monde de l'édition et du cinéma, nous réalisons des projets sur mesure, reportage et rédaction.


La nature et la garrigue à perte de vue, nous sillonnons les routes étroites qui mènent à cet endroit magique où les cigales ont cessé de chanter depuis peu. Nous attend une famille d’intrépides, Arnaud, pilote de ligne à peine arrivé d’un long voyage, Béatrice, qui s'occupe de la propriété et accueille les hôtes, ainsi que leurs deux enfants musiciens.

« Nous avons acheté cette ruine en 2005. Nous nous sommes immédiatement projetés dans la réalisation que nous avions en tête depuis longtemps, et nous avons surtout craqué sur la vue et les caves voûtées. En partant de ruines, nous étions à la fois plein d’incertitude et de doutes quant à la possibilité de réaliser notre projet de reconstruction d’un hameau, et en même temps enthousiastes face à l’idée de créer un lieu unique permettant d’héberger un ensemble de gîtes qui nous ressemblerait vraiment, selon nos propres envies. »

Coup d’œil Qui vit ici : Béatrice et Arnaud Jansen, ainsi que leurs enfants Romain, 15 ans, et Manon, 10 ans
Superficie : 950 m², dont 270 m² pour leur habitat personnel
Emplacement : Hérault, dans les environs du Pic Saint-Loup au portes des Cévennes
Durée des travaux : Une dizaine d’années


Photos : Jours & Nuits © 2019 Houzz


Certes, le vaste territoire et les quelques murs restants offrent une grande liberté, mais à la vue de cette photo, on s’imagine mal comment ne pas s’affoler devant l’ampleur du chantier. En bas de l’image, on distingue Romain dans les bras de Béatrice, âgé d’à peine quelques mois !

Toutes les voûtes ont été reconstruites, à l’identique de celles à l’origine du lieu, dans le respect de l’ancienne ruine. Ici, la grande voûte permet de passer d’un niveau à l’autre, comme dans un véritable hameau. Mais en réalité, avant les travaux, il s’agissait d’une cave. L’escalier sous terre a été créé pour que le seuil supérieur arrive au niveau de la maison et fournisse une vraie circulation. Percée dans la roche, à l’instar de toutes celles du lieu, les pierres ont été nettoyées au Kärcher à très haute pression pour retrouver la teinte claire d’origine, avant d’être rejointées.

Différents espaces s’articulent dorénavant dans le bâtiment d’origine, offrant des chambres d’amis peintes à la chaux sous une charpente traditionnelle neuve. À l’intérieur, les niches s’ouvrent sur des espaces meublés comme ici avec du mobilier aux ambiances d’ailleurs, à l’instar de ce superbe lit à baldaquin provenant de Bali
Si l’on regarde bien les ruines, on comprend comment la partie neuve s’appuie à présent au niveau des toitures échelonnées à droite du mas.


La nouvelle bâtisse héberge ainsi l’habitation de la famille, toujours dans l’esprit d’un hameau d’antan, trois bâtiments étant reliés par plusieurs structures de verre séparant les espaces de jour et ceux alloués à la nuit.


Le corps de la maison est entièrement ouvert sur une terrasse arborée. Des baies à galandage autorisent une libre circulation qui passe par l’angle de la demeure côté salon. L’idée est venue au couple après un voyage au Japon. L’esprit japonais favorise en effet la continuité intérieur/extérieur, tandis que les canisses adoucissent la lumière pour ne pas générer de rupture et créer une circulation libre autour du jardin extérieur, logé entre les deux murs séparant la cuisine de la pièce à vivre.

Côté cuisine, un îlot central reçoit les repas de famille en compagnie de ceux qui les préparent. Un immense plan de travail taillé dans de la pierre de Pompignan héberge un espace cuisson sur lequel est posé un plateau en chêne teinté dans la masse, faisant office de table haute. « Le plan de travail pèse à lui seul près de 500 kg. Il a fallu dix personnes lors de la mise en place », nous explique Arnaud.

La magie de cette pièce ouverte réside essentiellement dans l’accès au jardin et à la terrasse. Les murs en pierre sèche dépourvus de joint laissent l’eau circuler à travers la végétation méditerranéenne fournie d’espèces locales résistantes au soleil. Seul un érable japonais au feuillage délicat choisi par Béatrice trouve sa place en transition entre les deux espaces intérieurs.

Au sol, les dalles en pierres du Tarn se poursuivent à l’intérieur. « Agencées traditionnellement en opus romain, elles sont ici posées comme un parquet, toujours dans l’idée de marquer une véritable continuité entre l’intérieur et l’extérieur », nous indique Arnaud.
Table rectangulaire Kartell ; Suspensions en papier Jean-Luc Mare

Entre la cuisine et la salle à manger, un jardin intérieur vitré, jonché de galets blancs, assure une gracieuse transition tout et maintenant la présence des végétaux dans la pièce à vivre. Le mobilier d’un designer italien se veut simple et épuré, laissant la part belle aux œuvres artistiques réalisées par Aline Jansen, comme ici des peintures sur verre transformées en luminaires. Une méridienne basse crée une liaison entre l’estrade et la salle à manger tout en annonçant le style du salon.


La première envie du couple a toujours été de créer plusieurs espaces contigus : un dédié à la musique, marqué par l’imposante présence du piano Pleyel (à demi-queue), un pour les repas, et un salon pour profiter du feu dans la cheminée. Car dans la famille, on apprécie l’art et particulièrement la musique, à laquelle se dédient les deux adolescents inscrits au Conservatoire, Romain se destinant à une carrière professionnelle.

Le salon s’offre une belle estrade en châtaignier où des canapés bas, à la japonaise, permettent à Manon de lire à même le sol devant la cheminée, ou à la famille de dîner devant l’âtre.

La spectaculaire cheminée Focus, pièce maîtresse dans cet espace ouvert, est idéale avec sa vasque au sol, dans un esprit feu de camp. Les poignées latérales permettent de remonter la colonne et de fermer complètement la cheminée à la nuit tombée.

Pour accéder aux espaces personnels, nous longeons une longue structure de verre qui traverse la végétation et mène à un sas, permettant de distribuer le niveau inférieur dédié aux enfants et l’espace supérieur au couple. Entièrement vitrée, la structure accueille un splendide escalier en fer et bois. L’acier a été poncé et verni par un artisan. Au-delà du spectacle de ses courbes majestueuses, cet escalier donne lieu à une anecdote qui résume bien le farouche entêtement du couple. Arnaud nous raconte : « Lors des travaux de construction de l’escalier, le ferronnier a pratiqué de nombreuses soudures. Alors que j’étais en vol, Béatrice a été réveillée en pleine nuit par un incendie provoqué par une escarbille incandescente logée dans la végétation. En quelques minutes, le feu a ravagé tout l’étage et nous avons dû tout reconstruire ! »

À l’étage, la chambre parentale est protégée par une authentique charpente traditionnelle en pin douglas, réalisée par un Compagnon des Cévennes, comme celle à trois pans situés au-dessus de la pièce à vivre. Ici, un module tapissé sépare la salle de bains du coin repos. « La hauteur sous charpente ne nous permettant pas de cloisonner l’espace, nous avons opté pour une solution modeste et ingénieuse qui sépare ses deux espaces. Le module est doté d’ouvertures créées de façon à laisser circuler la lumière naturelle et à fournir des points de vue traversants », nous explique Béatrice.

Dans la salle de bains, une impressionnante vasque taillée dans la pierre de Pompignan laisse s’écouler l’eau en pente douce. Les teintes naturelles confirment le choix des propriétaires pour une atmosphère poétique.

Au beau milieu de la pièce, sur un carrelage imitation bois, trône une baignoire aux dimensions généreuses, sur laquelle se reflète subtilement le mur végétal en bambou préservant une certaine intimité au cœur de cette nature aux teintes automnales.

Inutile de préciser à quel point tous les recoins de ce domaine sont source de plaisir, de bonheur et dénotent de l’esprit d’équilibre et de liberté insufflé par le couple, que rien n’a su arrêter malgré les nombreuses occasions de se décourager. Une belle aventure digne de cette vue sur ce territoire authentique valorisé par des acteurs locaux attentifs à sa préservation.

ET VOUS ?
Que pensez-vous de la folle aventure de rénovation de cette famille